HERE'S THE STORY
Depuis que je suis arrivée à Bristol, je teste tous les bars de la ville afin de m'en attitrer un. Pas spécialement pour me bourrer la gueule. J'aime juste aller dans les cafés le soir pour me lamenter devant un Coca Cola. Mais toute seule. Comprenez, je pourrais avoir une vie de rêve. Je suis une Calderini. Mais ma relation avec ma famille est plus que conflictuelle, aussi ai-je décidé de ne plus voir mes parents. Résultat j'ai été rayée du testament de mon père et je n'ai plus un sou en poche. J'ai donc de quoi me lamenter, oui. Quand j'ai décroché un job dans une grande agence de mode, j'ai cru mourir. (J'ai toujours été passionnée par la mode. Quand j'étais petite, ma mère m'embarquait avec elle aux Fashion Weeks.) Malheureusement, mon job d'assistante ne s'est pas révélé à la hauteur de mes espérances. On m'avait prévenue que le monde de la mode était impitoyable, mais à ce point ! Seigneur. Si je n'allais pas boire un Coca Cola tous les vendredis soirs quelque part, je crois que je pourrais pas tenir.
FRIDAY, JANUARY 16TH (NOUS SOMMES EN 2008) QUELQUE PART DANS BRISTOL.21:00 p.m. C'est plutôt pas mal, ici. À la limite du respectable, pas trop peuplé, le barman m'a l'air sympa, il y a un gars qui se prépare pour aller chanter et ils vendent des Coca Cola.
21:02 p.m. Dieu vient de démarrer sa chanson. Plus personne ne parle. Pourquoi Dieu ? Parce que c'est Dieu bordel ! Un Dieu, un vrai ! Je ne pensais pas qu'un jour je rencontrerais un gars aussi magnifique. Et qui, en plus de ça, ne se la croit même pas. Seigneur, il est parfait.
21:03 p.m. Il vient de croiser mon regard. Je défaille.
21:04 p.m. C'est décidé, je reviendrais ici tous les vendredis soirs. Et même tous les jours de la semaine.
21:05 p.m. J'aimerais bien qu'il n'arrête jamais de me regarder comme il le fait depuis trois minutes. Jamais quelqu'un ne m'a regardée comme ça.
21:07 p.m. Et voilà. Mon quart d'heure (c'est une expression; dans mon cas, c'était plus trois minutes) de bonheur est terminé. Mais j'ai l'étrange impression que
tout n'est pas terminé. Tiens, n'avais-je pas raison ? Le voilà qui se dirige vers moi ! On dirait que, finalement, la soirée ne fait que commencer.
21:09 p.m. C'est bizarre, mais maintenant qu'il est installé en face de moi, il me parait bien intimidant.
21:10 p.m. Il s'appelle Lysander. Geraghty. Lysander Geraghty.
21:11 p.m. Il me déstabilise avec sa voix grave et son jean destroy (oui, la façon dont il est habillé me rend bizarre, même si ça parait bête). En plus, il sent incroyablement bon. Un mélange de tabac et d'after-shave. Seriously, son odeur me chatouille les narines.
21:14 p.m. J'ai envie de lui sauter dessus. Pitié !
21: 17 p.m. Nous parlons depuis exactement huit minutes et je l'aime déjà. L'amour fait des choses fantastiques. Bon, Appolon, quand est-ce qu'on conclut ?
21:18 p.m. Mais à toi l'honneur, surtout. Je n'oserais jamais faire le premier pas.
21:19 p.m. Ne t'inquiète pas, je ne veux surtout pas te presser.
21:21 p.m. Enfin si ça ne t'embête pas, j'aimerais bien que tu réagisses assez vite.
21:38 p.m. Ça alors ! Lui aussi aime les sushis ! On est exactement pareils ! (Suis-je obligée de préciser que c'est un mensonge ?)
21:44 p.m. C'est une véritable torture .. Parler avec lui, c'est une chose. Mais je suis tellement jalouse de cette cigarette qu'il fume .. Cette foutue cigarette qui a la chance d'être sur ses lèvres .. J'aimerais tellement être la cigarette de Lysander Geraghty !
21:52 p.m. Euh pourquoi sa main s'est refermée autour de la mienne ?!
21:54 p.m. Aaaah, c'était une première tentative pour me faire comprendre que je lui plaisais ! Et là, il est passé au stade supérieur. Penché par dessus la table, il m'embrasse.
21:55 p.m. Bon, sincèrement, j'ai envie de hurler. C'est le plus beau baiser qu'on m'ait donné jusqu'ici. Non, je le sens se détacher de moi ! Help ! Que faire ? Je ne voulais pas que ça s'arrête.
21:58 p.m. Inutile de dire que je suis très fière de moi. Je me suis levée, je suis allée m'assoir sur ses genoux, face à lui, et je l'ai embrassé de nouveau.
SATURDAY, JANUARY 17TH (NOUS SOMMES EN 2008) APPARTEMENT DE LYSANDER.10:00 a.m. Bonheur suprême absolu.
10:01 a.m. Je ne suis plus vierge. Vous voulez un dessin ?
10:03 a.m. Au moins une description alors. Je suis assise sur le lit de Lysander Geraghty, nue, un drap enroulé autour de moi. Le propriétaire du lit sur lequel je suis assise dort profondément. Imaginez un peu comme il est fatigué, après la nuit qu'on vient de passer !
10:05 a.m. Une main dans mon dos. Lysander s'est réveillé, sans bruit. Ce premier contact me donne un frisson.
10:07 a.m. Dans le silence de l'appartement, sa voix me fait sursauter.
« À quoi tu penses ? » 10:09 a.m. J'inspire un grand coup.
« Lysander, tu me considères uniquement comme une conquête ? »10:09 a.m. Lentement, je me tourne vers lui. Il se passe la main dans les cheveux, plus embarrassé qu'autre chose.
10:11 a.m. Je prends son silence pour un oui. Oui, je ne suis qu'un coup comme ça. Quelle conne ! Je me voyais déjà mariée et trois enfants .. Mais je suis tellement naïve ! Vexée plus qu'autre chose, je ramasse mon jean moulant et l'enfile tant bien que mal, puis mon t-shirt loose. Je sortis de la chambre pieds nus et en claquant la porte.
FRIDAY, JANUARY 29TH (NOUS SOMMES EN 2010) QUELQUE PART DANS BRISTOL.20:01 p.m. J'ai dit à March que j'allais dîner en ville avec une amie. Je me sens mal, affreusement mal. Quand je lui ai servi ce mensonge ce matin, j'ai senti moi-même que je mentais. Mes paroles sonnaient trop fausses. Mais March, en petit copain exemplaire, m'a crue. Il me croit toujours. Il a une confiance aveugle en moi. Le pauvre. S'il savait. Chaque fois que je l'embrasse, je m'imagine que j'embrasse Lysander au lieu de March. Je suis cruelle, j'en ai conscience.
20:04 p.m. De toutes façons, je viens par curiosité. Juste pour voir s'il est là. S'il y est, il ne se souviendra de toutes façons pas de moi, c'est évident. Et de mon côté, je n'ai plus aucuns sentiments pour lui. Je sais qui j'aime.
20:07 p.m. Aïe, je n'avais pas prévu qu'on se retrouverait tous les deux
seuls dans le café.
20:09 p.m. Le voilà qui s'approche de moi. Seigneur. Non, il ne peut pas m'avoir reconnue. Putain, pourquoi mon coeur bat la chamade ?
20:11 p.m. Tous comptes faits, peut-être que je ne lui suis pas
totalement indifférente. Quelle fille ne le serait pas ? C'est un Dieu je vous dis !
20:13 p.m. « Bonsoir Eleonara », il me dit, en s'installant face à moi, comme la fois précédente. Merde, il ne m'a pas oubliée.
20:16 p.m. Et quand je dis qu'il ne m'a pas oubliée, c'est faible comme expression. Il n'a carrément
rien oublié, comme le fait qu'on ait couché ensembles. Il se souvient même de ma tenue ce soir-là. Merde et re-merde.
20:17 p.m. Je n'aurais jamais du venir.
SATURDAY, JANUARY 30TH (NOUS SOMMES EN 2010) APPARTEMENT DE LYSANDER.Eh voilà. Coucher une deuxième avec Lysander alors qu'on est en couple ou comment gâcher son week end en une leçon. Mais quelle conne ! J'aurais pas pu faire pire ! Mais .. Il était si gentil avec moi, un peu comme la première fois en fait, mais cette fois j'ai eu l'impression qu'il serait plus respectueux vis à vis de moi. Oui, je sais, et March alors hein ? Mais c'est Lysander que j'aime bordel ! C'est lui que j'aime depuis toujours ! Si je pouvais changer mes sentiments pour lui, croyez moi, je le ferais sans attendre. Je me déteste de l'aimer. C'est vrai, quelle petite conne je suis pour oser blesser March à ce point ? S'il savait ! Il ne m'aurait pas dit je t'aime ce matin au téléphone ! Et quand je pense comme il a cru facilement que j'avais dormi chez une amie, alors que j'étais en réalité planquée dans la salle de bain de Lysander .. En parlant de Lysander, quand je suis sortie de la salle de bain, après le coup de fil de March, j'ai eu une bouffée de culpabilité, mais genre une plus grosse que d'habitude. J'ai voulu aller dire à Lysander qu'il ne fallait plus qu'on se revoit. Je n'ai même pas eu le temps de parler; L. s'est lancé dans un long speech. Résumé ? Il s'excuse pour le comportement qu'il a eu avec moi il y a deux ans. Quand il m'a dit ça, je me suis penchée vers lui, je l'ai embrassé, je me suis rhabillée et je suis partie. Je l'aime, bordel.