JERSEY ♣ forbidden to remember terrified to forget.

HERE'S THE STORY

L'air était frais, peut-être même un peu trop pour un soir de juillet. Le soleil venait d'amorcer sa descente, lent et gracieux, il poursuivait sa course dans le ciel. Ce dernier était enflammé, teinté d'orange et de rose. Le spectacle laissait sans voix. Une jeune femme observait le paysage depuis sa chambre, nostalgique. Même s'ils semblaient lointains et désuets, les souvenirs de son enfance, ceux qu'elle avait tendance à oublier, que le temps rendait flous et qui étaient empreints d'insouciance, ne cessaient de s'imposer à elle, comme une vérité qu'on ne peut décemment pas ignorer. Ce n'était pas la première fois qu'elle tentait de comprendre, d'obtenir des explications. Mais elle avait beau revoir encore et encore chacun des moments de sa vie, son désir de savoir restait grandement insatisfait. Elle baissa le regard et soupira. Au même moment, une larme s'échappa et roula sur sa joue, laissant sur son passage une traînée noire - du maquillage. Ses yeux en étaient amplement recouverts, sorte de masque qui l'empêchait d'être vulnérable. Si il avait été là, il n'aurait sans doute pas été fier de ce qu'elle était venue, une ombre faiblarde d'elle-même. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir tenter de survivre, de surmonter l'épreuve, aussi dure soit-elle. Elle pleurait pour de bon, les sanglots étaient intarissables. Il fallait bien que ça arrive un jour, ce trop plein d'émotions refoulées devaient tôt ou tard exploser. Ses poings étaient resserrés autour de sa jupe en jean trouées en de multiples endroits. Le tissus semblait ne pas apprécier le traitement qu'on leur imposait, mais les jointures de la brune, blanchies sous l'effort, n'avait pas l'intention de relâcher leur prise. Puis ce fût la rupture, elle éclata en éclat. Balançant la frêle chaise de bois contre le mur, envoyant cadres et miroir se fracasser au sol. « Jersey, tu veux bien me dire ce que tu fabriques encore ?! » La voix venait du rez-de-chaussée et les pas se rapprochaient vivement, pressés de découvrir la source de tout ce chaos. Sa mère entra en trombe dans la pièce, mais cela n'empêcha pas l'orpheline de continuer son carnage. Elle était en colère, folle de rage. Pourquoi l'avait-il abandonnée de la sorte ? Pourquoi avait-il renoncé aussi facilement, comme si plus rien ne le raccrochait à la vie ?

FLASHBACK.

Une grande pièce blanche, froide, machinale. La jeune fille observe la scène, impassible. Elle n'arrive pas à pleurer la mort de son père, tout simplement parce que le corps raide et allongé sur le lit ne ressemble pas à son géniteur. Il est blanc, froid - tout comme la chambre de l'hôpital - et quelques pointes de rouges viennent contraster, là où le verre a entaillé son visage. Elle a quatorze ans et¸sa vie vient de basculer dans une toute autre dimension. Dans celle-là il n'y a plus rien. Plus de peur, plus de tristesse, rien. Les sentiments ont désertés son esprit et elle ne peut pas croire que l'homme sur qui elle comptait tant, son ami, son complice, vient de rendre les armes. Tout ça à cause d'un chauffard ivre qui n'a aucune conscience, maintenant cloîtré dans une cellule, ignorant qu'il vient de détruire une famille entière. « Ne pleure pas ma chérie, ton père est au Paradis. Il est mieux où il est. » « Parce que tu crois qu'il vaut mieux être mort que de vivant ?! Mais c'est quoi cette logique ! » Elle n'avait jamais hausser le ton de cette façon lorsqu'elle s'adressait à sa mère. Mais ce qui sortait de sa bouche semblait tellement déplacé et inutile que la colère prenait le dessus sur l'éducation disciplinée et stricte qu'elle avait reçu tout au long de sa vie. Elle était la fillette modèle, bonne étudiante et enfant polie. Mais quelque chose venait de se briser en elle, quelque chose qu'on ne pourrait pas réparer. Le chaos débutait.

FIN DU FLASHBACK.

Elle respirait enfin normalement et les sanglots s'estompaient, blottie dans les bras de sa mère, elle paraissait retrouver son innocence d'enfant - innocence que Mme Whealer croyait avoir perdue pour toujours. Ce petit épisode de tendresse fut le seul en cinq ans. Jersey avait pris soin de ne plus exploser de la sorte et d'évacuer tout ce stress en buvait et en fêtant, c'était le mieux qu'elle avait pu trouvé avec si peu de ressources. La carapace s'était épaissit au fil des années te même si elle donnait l'impression d'une fille enjouée, énergique et légère, elle est troublée, détruite et totalement dévastée. C'est un mal pour un bien, une vie de débauche pour avoir un peu de répit.